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    La deuxième à gauche, devant, c'est Vivian. Vivian Silver.

    Nous étions avec les femmes en blanc, Women Wage Peace, un rassemblement composé de femmes en totalité, israéliennes juives en majorité, une partie palestiniennes. Nous étions devant le mur d'enceinte de Gaza, à hauteur de Kfar Aza. Elles lançaient des ballons blancs vers les voisins palestiniens, de l'autre côté du mur. 

     Viviane est née en février 1949, le 2, à Winnipeg, au Canada.

    Sa première visite en Israël remonte à 1968. A 19 ans.

    Elle a étudié la psychologie et la littérature anglaise à la Hebrew University, à Jérusalem. Elle a immigré en Israël à 25 ans, en 1974.

    Elle est devenue secrétaire d'un kibboutz fondé la même année, dans le centre d'Israël. Son combat essentiel alors était pour le droit des femmes, l'égalité sociale.

    En 1990, avec son mari et leurs deux fils, ils emménagent à Be'eri, kibboutz florissant d'un millier d'âmes, en bonne partie rural, célèbre pour son imprimerie dans tout Israël. Dès leur installation, à quelques kilomètres de Gaza donc, Viviane se consacre à découvrir le monde des Bédouins du Negev, et ses voisins de Gaza. Elle devient directrice exécutive de l'Institut du Negev de Stratégies pour la Paix et le Développement.

    A Be'eri, elle se consacre à des programmes d'aide aux gens de Gaza, pour la formation professionnelle. Elle vérifie aussi que les travailleurs de Gaza présents au kibboutz soient payés équitablement. On ne le sait pas assez, mais jusqu'au 7 octobre 2023, des milliers d'hommes de Gaza venaient travailler en Israël quotidiennement.

    En 1999, avec Amal Elsana Alh'jouj, elle est co-fondatrice du Centre Judéo-Arabe pour l'Egalité, le Renforcement (Empowerment) et la Coopération. L'un des programmes dans lesquels elle intervient très activement, Creating Peace, consiste à renforcer les relations professionnelles entre les artisans palestiniens et israéliens.

    Membre également du conseil de B'Tselem, organisation reconnue de droits humains, elle travaille inlassablement à faire prendre conscience des luttes pour la survie et la dignité des résidents de Gaza.

    Elle fait aussi partie des volontaires assidus de Road to Recovery, la Route de la Guérison, association israélienne qui va chercher des malades à la frontière de Gaza, pour les conduire dans des hôpitaux spécialisés, jusqu'à Jérusalem.

    Elle est aussi co-fondatrice, en 2015, de Women Wage Peace, l'organisation d'activistes de paix dont nos Messageries sont les plus proches, dans l'esprit.

    En 2016, les Femmes en Blanc de WWP organisent de vastes marches dans tout Israël, du Nord au Sud, et d'Est en Ouest. Merveilleux cheminement ensemble, à pied, à travers le pays, pour la paix.

    Voir nos articles : http://www.peacelines.org/-a128538802  D'Autres Voix se Lèvent

    http://www.peacelines.org/other-voices-rising-c27103220  Other Voices Rising

    Même chose en 2017. Grandes marches, qui s'achevaient au bord du Jourdain et à Jérusalem, dont le but était de conscientiser les populations en chemin sur les moyens et les possibilités de la coexistence. Alors, nous avons parcouru tout Israël à pied, et notre espérance prenait corps, ensemble.
    En 2018, des étudiants de Gaza s'inspirent de ce modèle pacifique de rassemblement actif, et se mettent à marcher le long de la frontière avec Israël. Rencontre, enfin, des deux peuples en vue ?

    Malheureusement, le Hamas très tôt noyaute les manifestations, et les récupère à son avantage.

    Dès lors, les manifestations le long de la frontière, pacifiques au départ, sont rebaptisées "Grande Marche du Retour" - du Retour en Israël, comme si deux millions de Gazaouis pouvaient rationnellement envisager un "retour" de l'autre côté de la frontière (quand plus des trois-quarts d'entre eux sont nés à Gaza, après 1948).

    Avec le contrôle par Hamas et ses alliés (Jihad Islamique et divers groupes radicaux, DFLP, PFLP...) les rassemblements deviennent violents, jets de pierres, de cocktails molotov, des tirs aussi, et des groupes encadrés et armés à de nombreuses reprises tentent de forcer la frontière. L'armée israélienne riposte, et tient coûte que coûte son dispositif frontalier. Des hommes, des adolescents tombent, par dizaines. C'est l'horreur.

    On comprend que les marches en blanc de Viviane et de ses amies s'arrêtent en 2018-2019. Comment réagir face à cette volonté devenue évidente, explicite, des chefs islamistes de Gaza de déferler en Israël par centaines, par milliers, dans un mouvement qui n'a plus rien de pacifique, mais qui est un mouvement de foules survoltées, poussées aux pires débordements contre les civils israéliens les plus proches par des militants surentraînés et forcément armés.

    Avec le recul, on comprend que la stratégie de Haniyeh, Sinwar et Deif, à partir de 2018, est bien une stratégie d'agression des populations voisines de la frontière, si ce n'est de reconquête de territoires qui, pour la plupart, dans ce secteur d'Israël désertique, n'ont jamais été palestiniens.

    Fin 2020, 2021-2022, c'est la longue parenthèse du covid, où l'on se rend compte que le virus du covid-19 ne connaît ni frontières ni appartenances nationales et religieuses. Plus personne ne bouge.

    En 2023, l'organisation de Viviane, Women Wage Peace, refait surface et organise un nouveau rassemblement au bord du Jourdain et à Jérusalem les 4 et 5 octobre. Ayant prévu d'y participer, j'ai mon billet d'avion. Le 5 je dormirai au Mont des Oliviers. Le 6, un vendredi, je prendrai un car pour Sderot, y retrouver des amis qui nous sont connus depuis 2009. Comme c'est un shabbat, je resterai chez eux pour la nuit du 6 au 7.

    Une sorte d'instinct particulier me fait renoncer à ce voyage au dernier moment.

    Le 7 octobre à l'aube, des centaines d'hommes armés investissent Sderot et tous les kibboutz de l'Enveloppe de Gaza. Ils sont trois mille en tout. Ils vont prendre d'assaut les quatre petits postes militaires frontaliers, dont le Portail d'Erez, lieu de transit des Palestiniens, et massacrent mille deux cent personnes en quelques heures, emmenant quelques 250 hommes de tous les âges, octogénaires inclus, femmes, et enfants, otages à Gaza.

    A Be'eri, ils tuent 130 personnes. A Nir Oz, sur 400 habitants, ils en tuent ou kidnappent une centaine.

    On a longtemps cru que Viviane avait été kidnappée, qu'elle était détenue dans un souterrain de Gaza.

    Et puis, au bout d'un mois, la nouvelle est tombée. On avait identifié son ADN dans le magma calciné qui restait d'elle. Viviane a été brûlée vive le 7 octobre.
    Son dernier message, par WhatsApp, terrorisée, disait qu'elle s'était enfermée dans son abri anti-roquettes, et que, si elle survivait, elle y garderait un grand couteau.

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    Le dialogue continue. Viviane n'est pas la seule qui nous manque désormais, mais elle est une des plus exemplaires. Vivian, un grand couteau, qu'en ferions-nous, face à des gens armés de kalashnikovs, de grenades, de revolvers ? Pour le moins, il nous faudrait des armes automatiques assez puissantes, et apprendre à s'en servir ?

    Il faudrait aussi un autre système d'alerte, et de qui-vive, d'auto-défense forte.

    Certains kibboutz l'avaient le 7 octobre, n'ont pas succombé.

    Nous nous retrouvons dans la même situation que les Algériens des plaines, du bled, lorsqu'ils étaient exposés aux exactions nocturnes et aux raids barbares des terroristes islamistes (FIS, GIA, etc). C'est l'armée, appuyée par la population, qui en a débarrassé le pays, à partir de 1998. On a compté 150.000 morts en Algérie, de 1989 à 1999.

    Ici, l'armée est israélienne, composée pour l'essentiel de soldats juifs, avec des minorités de druzes et d'arabes.

    Il n'y a pas d'issue durable sans partenariat avec l'Autorité Palestinienne, opposée au Hamas et au Jihad Islamique depuis trente ans. Depuis la brutale Prise de Gaza par le Hamas en juin 2007, ils ont mieux qu'une revanche à prendre sur leurs adversaires du Hamas. Ils ont une légitimité nationale à édifier, par la non-violence.

     

     

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